Joseph Sabl
Accueil
La collection Romantique
Les archives Émile Zola
Banques de données
Catalogues
Autres sites et catalogues
Enseignement et formation à la recherche
Recherchez par mots-clés
Publications
Historique du centre
Coordonnées
Heures d'ouverture
Plan du site
 
Accueil : Historique du centre : Père Sablé
Père Sablé

Joseph Sablé 1918 - 1998

Le père Joseph Sablé

Né à Lille le 15 Juillet 1919 d'un père médecin psychiatre et d'une mère à qui, nous a-t-il souvent confié, il devait tout — y compris sa passion pour la littérature, comme pour la musique de Chopin et de Bach —, Joseph Sablé fit d'excellentes études au collège Saint-Joseph de Lille, au Grand Séminaire de la même ville, enfin à l'Institut catholique de Paris. Ordonné prêtre du diocèse de Lille le 21 mai 1944, il fut nommé professeur au collège de Marcq-en-Baroeul, où il enseigna jusqu'en 1955. De 1955 à 1970, il assura les cours de propédeutique et de licence à l'Institut catholique. En 1968 — année fatidique, car il ne cachait guère sa conviction que les événements de mai et leurs conséquences pour l'Université étaient plutôt catastrophiques —, il a passé un an comme professeur en visite au collège Saint-Michel à l'Université de Toronto. En 1971, il y retourna et décida d'y consacrer le reste de sa carrière. Carrière assez paradoxale, à la fois modeste et brillante. Il refuse, par principe, d'apprendre l'anglais. Dans un milieu de plus en plus dominé par le principe de « publish or perish », il préférait lire et parler aux autres de ses lectures et découvertes, plutôt que d'écrire ; disant souvant qu'il y avait tellement de choses à lire qu'il n'avait pas le temps de publier. Pendant un certain temps, il a été question d'une thèse, sur Le Curé du village : le professeur Pierre-Georges Castex n'a jamais cessé de lui prêter son amitié et ses encouragements. Mais quand on s'intéresse à tout, quand on se donne totalement à ses étudiants, il est tellement plus raisonnable, n'est-ce pas, de remettre au lendemain des recherches suivies et spécialisées. Par conséquent, ce furent les étudiants du deuxième cycle, à Paris puis au Canada, qui, seuls, ont profité de sa culture exceptionnelle et de sa capacité à traduire oralement l'essentiel des auteurs au programme. Que nombreux d'entre eux soient devenus à leur tour professeurs de lettres ne surprendra guère ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui.

Quant à sa collection d'environ 12 000 livres, qu'il donna au collège Saint-Michel lors de sa retraite en 1985 et qui constitue la base du Centre d'Études romantiques qui porte son nom, elle reflète à plusieurs égards son caractère et l'étendue de sa culture. Pour les dates limites (1800-1850), il est resté assez fidèle à sa première idée: ni Flaubert, ni Baudelaire, donc, et assez peu sur le préromantisme. Mais à l'intérieur de ces dates, on y trouve de tout : des revues, des romans populaires, les restes de deux cabinets de lecture (environ 1300 volumes), plus de mille pièces en édition originale, un rayon et demi sur la phrénologie etc. Ce fut d'ailleurs le contraire même du bibliophile typique : les jolies reliures (romantiques et autres), les premières éditions en tant que telles ne l'intéressaient guère : à quoi bon posséder une première édition du Rouge et le Noir, texte que l'étudiant peut lire en Pléiade ou en Classiques Garnier, alors avec les 10 000 dollars que vaut un tel objet, on peut avoir toute une foule d'auteurs populaires aujoud'hui oubliés, des revues capables de faire revivre toute une époque, des éditions illustrées ?

Je ne sais pas si Balzac était l'auteur préféré du père Sablé : ce fut certainement celui dont il nous entretenait le plus souvent et le plus volontiers : il aurait pu faire sienne la phrase légendaire de Gérard de Nerval : « Parlons un peu de Balzac, cela fait du bien ! » Pour La Comédie Humaine, vu le caractère notoirement instable du texte, il fallait au contraire tout avoir. Il en résulte que le fonds « Balzac » du Centre, sans prétendre rivaliser avec les trois grandes collections parisiennes, constitue un instrument de travail de réelle qualité pour les chercheurs nord-américains, digne d'être comparé avec les collections de Chicago et de Princeton. Depuis l'ouverture du Centre (en octobre 1994), le père Sablé disait souvent du reste que sa collection, devenue Centre, était en quelque sorte sa thèse, la vraie, remplaçant celle qu'il n'avait pas eu le temps d'écrire. Sa contribution au rayonnement des lettres françaises, reconnue d'ailleurs par les autorités compétentes — doctorat honoris causa du collège Saint-Michel en 1992, chevalier de la Légion d'Honneur en 1995 — peut donc être qualifiée de permanente, comme en témoigne la série — « À la recherche du XIXe siècle » éditée au Centre (trois volumes parus, dans lesquels on trouvera sept articles ou chapitres consacrés à Balzac).

Le père Joseph Sablé — prêtre, professeur hors pair et, surtout, collectionneur de livres infatiguable — nous a quittés subitement le vendredi 13 février 1998 à Saint Servan (Ille-et-Vilaine) : le jour même de sa mort, il s'apprêtait à rendre visite à un de ses libraires préférés, à Jersey.

Graham FALCONER
Professeur émérite à l'Université de Toronto
Ancien directeur (1994 - 1999) du Centre d'Études romantiques J. Sablé
(devenu aujourd'hui le Centre d'études du 19e siècle français Joseph Sablé)

Le Courrier balzacien, N° 73, 4° trimestre 1998, pp. 38-39.

 
© 2001-2007 Centre d'études du 19e siècle français Joseph Sablé. Tous droits réservés.
Design, en collaboration avec Jeanne Humphries. Contact-nous.
28.02.07