Centre d'études du 19e siècle français Joseph Sablé.

Afred Dreyfus et Marie-Charles-Ferdinand Walsin-Esterhazy

L'Affaire

Né le 9 octobre 1859 d’une riche famille de juifs alsaciens, Alfred Dreyfus va devenir la figure centrale d’un scandale qui divisera la France à la fin du dix-neuvième siècle et qui continue de nous intriguer aujourd’hui.

Raphael et Jeannette Dreyfus, les parents d'Alfred Dreyfus

Raphaël et Jeannette Dreyfus

Le dernier-né des neuf enfants de Raphaël et Jeannette Dreyfus, Alfred Dreyfus commence sa vie à Mulhouse. En mai 1871, après la défaite de la France par la Prusse, l’Alsace passe sous le contrôle de l’Allemagne, et la famille Dreyfus déménage à Carpentras pour conserver la nationalité française.

La famille Dreyfus: Alfred, sa fille Jeanne, sa femme Lucie, et son fils Pierre

La famille Dreyfus

En 1873, Dreyfus est envoyé à Paris pour faire ses études au collège Sainte-Barbe. À 19 ans, après avoir passé son baccalauréat, il entre à l’École polytechnique puis, en 1880, à l’École d’application de l’artillerie de Fontainebleau. Dreyfus est nommé à l’École de pyrotechnie de Bourges en 1889 et à l’École supérieure de guerre, une nouvelle institution très prestigieuse, en 1890. Il sert dans divers régiments et il atteint le grade de capitaine. Dreyfus fait la connaissance de Lucie Hadamard (1869-1945) par l’intermédiaire d’un camarade d’école, Lucien Hadamard, et ils se marient le 20 avril 1890. Ils ont deux enfants, Pierre, né le 5 avril 1891 et Jeanne, née le 22 février 1893.

Le « bordereau »

En 1892, Dreyfus accède à l’État-Major de l’armée et en janvier 1893, il commence une désignaton probatoire au Bureau de renseignements. Son avenir prometteur fait halte tout à coup le 15 octobre 1894. Convoqué au ministère de la Guerre, Dreyfus est arrêté par un officier du 3e bureau de l’État-Major, le commandant du Paty de Clam. Ce dernier prétend et que Dreyfus est l’auteur d’un document volé à l’ambassade d’Allemagne, le « bordereau », qui annonce la livraison de documents concernant la défense nationale. C’est une femme de ménage qui a trouvé le document dans la corbeille de l’attaché militaire allemand, le lieutenant-colonel Maximilien von Schwarzkoppen (1850-1917). Il prétend que l’écriture sur le bordereau est celle de Dreyfus. Dreyfus est arrêté pour le crime de haute trahison : il est écroué à la prison du Cherche-Midi.

Dreyfus après la dégradation militaire le 5 janvier 1895

Dreyfus après la dégradation militaire

Le procès de Dreyfus commence le 19 décembre 1894 devant le conseil de guerre. Le 22 décembre, le conseil prononce Dreyfus coupable à l’unanimité et le condamne à la dégradation militaire, à la déportation, et à l’emprisonnement perpétuel. Devant une foule dans la cour de l’École militaire, Dreyfus est dégradé publiquement : son sabre est brisé. Le 21 février, Dreyfus quitte la France pour l’Ile du Diable, une colonie pénitentiaire en Guyane, où il va purger sa peine.

Le commandant Marie-Georges Picquart, le responsable des affaires de contre-espionnage

Picquart

En juillet 1895, le commandant Marie-Georges Picquart (1854-1914) est nommé nouveau responsible des affaires de contre-espionnage. En mars 1896, le Service de renseignements entre en possession d’un document, le « petit bleu », envoyé par l’attaché militaire allemand, Schwarzkoppen, au commandant Fernand Walsin Esterhazy (1847-1923). À partir des informations contenues dans le nouveau document, Picquart est bientôt persuadé qu’Esterhazy est le véritable auteur du bordereau. Il communique au général Gonse, sous-chef de l’État-Major, sa conviction que Dreyfus est innocent.

Le « petit bleu »

Le 5 août 1896, Picquart présente ses conclusions aux autorités militaires pourr qu’elles arrêtent le véritable traître, Esterhazy, et libèrent Dreyfus, l’innocent. Elles refusent cependant de l’écouter. Les autorités militaires lui recommandent d’ailleurs le silence. Quand Picquart leur dit qu’il ne peut ni ne veut garder le silence, il est sanctionné, et le 26 décembre 1896, il est envoyé en Tunisie. Le 6 novembre, l’écrivain français Bernard-Lazare (1865-1903) publie à Bruxelles Une erreur judiciaire : la vérité sur l’affaire Dreyfus : en ce faisant, il devient un des premiers partisans publics de la cause Dreyfus.

Le traître Fernand Walsin Esterhazy

Esterhazy

Profitant d’un séjour à Paris en juin 1897, Picquart confie ses découvertes sur la culpabilité d’Esterhazy et l’innocence de Dreyfus à son ami, l‘avocat Louis Leblois (1854-1927). Le 13 juillet, Leblois à son tour raconte tout au vice-président du Sénat, Auguste Scheurer-Kestner (1833-1899). Scheurer-Kestner essaie d’informer le président de la République, Félix Faure (1841-1899), le président du conseil, Félix-Jules Méline (1838-1925), et le ministre de la Guerre, le général Jean-Baptiste Billot (1828-1907), mais, comme avant, personne ne veut entendre la vérité.

Le frère d'Alfred Dreyfus, Mathieu Dreyfus

Mathieu Dreyfus

Le 11 novembre 1898, un banquier, Castro, reconnaît l’écriture d’Esterhazy, un de ses clients, après avoi vu une reproduction du « bordereau ». Il raconte sa découverte au frère d’Alfred Dreyfus, Matheu Dreyfus, qui travaille depuis 1894 à la réhabilitation de son frère. Le même jour, Mathieu Dreyfus retrouve Scheurer-Kestner, qui confirme son information. Le 16 novembre, dans une lettre ouverte au ministre de la Guerre, Mathieu Dreyfus dénonce Esterhazy comme l’auteur du « bordereau ».

L'auteur Émile Zola

Zola

Le 17 novembre, une enquête sur les activités d’Esterhazy est ouverte et le 3 décembre le rapport de l’enquête disculpe Esterhazy. Une nouvelle enquête sur Esterhazy commence le 3 décembre. Le 31, cette enquête disculpe Esterhazy une deuxième fois, mais Esterhazy demande quand même qu’un conseil de guerre déclare définitivement son innocence. Ce conseil de guerre est tenu les 10 et 11 janvier 1898 et Esterhazy est acquitté à l’unanimité.

Dans la matinée du 13 janvier 1898, Émile Zola (1840-1902) publie une lettre ouverte, « J’Accuse », dans L’Aurore, adressée au Président de la République. Dans sa lettre, Zola attaque Esterhazy et l’armée et dénonce la condamnation de Dreyfus. Le lendemain, L’Aurore publie une « protestation » signée par une série d’intellectuels et demandant la révision du procès de Dreyfus.

Henry

Le 18 janvier 1898, une plainte est déposée contre Zola et L’Aurore par le général Billot. Zola est inculpé de diffamation le 21 janvier par les trois experts en écriture qui ont affirmé que le « bordereau » n’était pas l’oeuvre d’Esterhazy, et il est assigné devant un tribunal correctionnel. Son procès commence le 7 février. Pendant le procès, un nouveau document, le « faux Henry » est avancé comme preuve supplémentaire de la culpabilité de Dreyfus. Ce document, de même ques les autres, a été fabriqué par le major Hubert-Joseph Henry (1847-1898) à l’insu de ses supérieurs.

Le 23 février, Zola est condamné au maximum de la peine – un an de prison et 3000 francs d’amende. Le lendemain, la Ligue pour la défense des Droits de l’homme et du citoyen est fondée afin d’appuyer la cause de Dreyfus et de Zola. Le 2 avril, le verdict de Zola est annulé pour vice de forme, et un nouveau procès commence le 23 mai à Versailles. Le 18 juillet, Zola est condamné à nouveau et il part le soir même pour l’Angleterre.

Une caricature du suicide d'Henry, une carte postale

Une caricature du suicide d'Henry

Le « faux Henry » est découvert le 13 août. Le 30, le colonel Henry, qui a fabriqué le document, avoue son crime au ministre de la Guerre. Il est arrêté et emprisonné au Mont-Valérien. Il se suicide dans sa cellule le 31 août. Le 27, le conseil d’enquête émet un avis favorable à la mise en réforme d’Esterhazy et, le 4 septembre, il quitte la France pour l’Angleterre.

La femme d'Alfred Dreyfus, Lucie

Lucie Dreyfus

Le 3 septembre 1898, Lucie Dreyfus demande la révision du procès de son mari. Le 27 octobre, la chambre criminelle de la Cour de cassation commence un examen de la demande et décide de procéder à une enquête, qui est ouverte le 8 novembre. La Chambre des députés vote une loi le 10 février 1899 qui exige que les Chambres réunies de la Cour de cassation d’appel prononcent pour la révision. Les Chambres réunies de la Cour de cassation commencent à écouter le rapport le 29 mai.

Un croquis d'Alfred Dreyfus pendant le procès de Rennes en 1899

Dreyfus au procès de Rennes

Le 3 juin 1899, la Cour de cassation casse le jugement de 1894 et ordonne à Dreyfus de comparaître devant le conseil de guerre de Rennes. Zola rentre à Paris le 5 juin et Dreyfus, après avoir quitté l’Ile du Diable le 9 juin, arrive en France le 1er juillet. Le procès commence le 7 août et, le 9 septembre, Dreyfus est à nouveau déclaré coupable, mais avec des « circonstances atténuantes ». Il est condamné à dix ans de détention. Le 19 septembre 1899, Dreyfus est gracé par le président de la République, Émile Loubet (1838-1929).

Le mémoire d'Albert Dreyfus intitulé "Cinq années de ma vie"

À l’exception de Dreyfus, toutes les personnes accusées de méfaits pendant l’affaire Dreyfus profitent d’une amnistie votée par la Chambre le 18 décembre 1900. En 1901, Dreyfus publie ses mémoires, Cinq années de ma vie. Le 29 septembre 1902, Émile Zola, un des plus importants personnages de l’affaire Dreyfus, meurt asphyxié dans son domicile de la rue de Bruxelles à Paris.

La réhabilitation de Albert Dreyfus en 1906

La réhabilitation de Dreyfus

En 1903, l’affaire Dreyfus est reprise à la demande de Félix Faure. Le 26 novembre, Alfred Dreyfus demande la révision du procès de Rennes. Le jugement de Rennes est cassé sans renvoi par les Chambres réunies de la Cour de cassation le 12 juillet 1906.

Le 13 juillet 1906, Dreyfus et Picquart sont réintégrés dans l’armée, Dreyfus avec le grade de chef d’escadron et Picquart avec le grade de général de brigade. Dreyfus est décoré de la Légion d'honneur une semaine plus tard, dans une cour de l’École militaire.

Alfred Dreyfus en 1935

Dreyfus 1935

Le 4 juin 1908, Dreyfus est blessé au bras par un journaliste qui tire deux coups de revolver pendant la cérémonie qui marque le transfert des cendres de Zola au Panthéon. Alfred Dreyfus et son fils sont mobilisés pendant la première guerre mondiale. Dreyfus est mort le 12 juillet 1935 à Paris.

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