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Reinette l'Oranaise, Sultana Daoud dite (1918-1998). Chanteuse et luthiste de musique judéo-arabe et andalouse.

Redécouverte dans les années 1980 par un journaliste de Libération, Reinette l'Oranaise a pu encore continuer en France pendant une quinzaine d'années à faire apprécier par un public de plus en plus large une musique arabe populaire et classique qu'elle avait contribué à sauvegarder.

Sultana Daoud est née en 1918à Tiaret, au sud-ouest de l'Algérie d'un père rabbin d'origine marocaine. Elle est atteinte de cécité à deux ans à la suite d'une variole mal soignée. Placée dans une institution jusqu'à l'âge de 12 ans, elle y apprend à lire et à écrire le braille. Sa mère, désireuse de lui faire apprendre un métier qui la rende heureuse, la fait entrer en apprentissage auprès de Saoud Médioni dit l'Oranais, chanteur et violoniste réputé dans l'art du haouzi, un dérivé populaire de la musique arabo-andalouse. C'est lui qui la baptise Reinette, petite reine ou grenouille mal orthographiée. La petite grenouille s'avère une élève exceptionnelle, elle développe sa voix, apprend le luth, et débute comme chanteuse dans le café que Saoud Médioni tient dans le quartier juif d'Oran. Pendant une dizaine d'années ils sont invités à se produire dans toute l'Algérie et enregistrent en duo un premier 78 tours. En 1938 Saoud Médioni décide d'ouvrir un café musical à Paris, Reinette le suit mais revient rapidement en Algérie. Pendant l'Occupation, Saoud Médioni est pris dans une rafle à Marseille, il sera déporté et ne reviendra pas des camps de concentration.

Reinette poursuit sa carrière à Alger et trouve sa place auprès des plus grandes chanteuses musulmanes et juives du pays, notamment la constantinoise Alice Fitoussi* avec laquelle elle anime mariages et circoncisions.

C'est au cours d'une de ces fêtes qu'elle rencontre celui qui allait devenir son époux, le violoniste Georges Layani qu'elle appelera « ses yeux » et qui l'accompagnera à la derbouka [tambour fait d'une peau tendue sur un tuyau de terre cuite]. A ses qualités d'interprète et de musicienne, Reinette ajoute celle de gardienne de la mémoire, et, en braille, elle s'applique à recueillir et à transcrire des centaines de chansons judéo-arabes. Elle apprend aussi l'arabe littéraire pour interpréter la musique arabo-andalouse classique et intègre l'orchestre de Mohammed Al-Anka avec lequel elle participe régulièrement aux concerts diffusés par Radio Alger.

La guerre d'Algérie et le conflit judéo-arabe en Israël rendent indésirable la présence des juifs français en Algérie et, comme plus de cent mille de ses coreligionnaires, Reinette regagne la France à la veille de l'Indépendance de l'Algérie. Installée depuis 1961 avec son époux en région parisienne dans un pavillon de Romainville, elle se produit essentiellement au sein de la communauté juive, jusqu'à sa redécouverte au milieu des années 1980 par un journaliste de Libération, Hoummous. Son admiration, conjuguée à celle de ses fidèles et de son talent, la font revenir sur la scène. Elle se produit dans les grandes salles de spectacle parisiennes, au théâtre de la Bastille, au Bataclan, à l'Olympia...et à l'étranger, en Espagne et en Angleterre.

Elle est invitée à la télévision et, en 1989, elle est nommée Commandeur des Arts et des Lettres. Six ans plus tard, en 1995, elle reçoit le Prix Charles Cros pour son album Mémoires où, de sa voix encore puissante, elle interprète en s'accompagnant au luth cinq titres du répertoire judéo-arabe classique.

La voix de Reinette l'Oranaise s'est tue le 17 novembre 1998 et son corps fut inhumé au cimetière israélite de Pantin; elle avait 80 ans. Son travail et son talent, ses recherches musicales et sa bonne humeur avaient su faire apprécier, au delà du public juif et arabophone, la beauté de la musique arabo-andalouse.

Sources :

Colette Attal, « Reinette l'Oranaise s'est tue », Communauté Nouvelle 100 (1998), p. 90.

Hélène Hazéra, « Reinette au paradis andalou », Libération, 19 novembre 1998.

Frank, Médioni, « Reinette l'Oranaise, la voix de l'Algérie plurielle », Tribune Juive 1448 (1998), p. 32.

Discographie :

Reinette l'Oranaise. Trésors de la chanson judéo-arabe, CD, Mélodie Distribution, Michel Lévy / Bruno Barre.

Reinette l'Oranaise. Mémoires. CD, Mélodie Distribution, Michel Lévy / Bruno Barre,

Reinette l'Oranaise accompagnée au piano par Mustapha Skandrani, CD.

Michèle Bitton (France)




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